Ainsi, d'une certaine façon, faisait-elle partie de ce voyage dont je craignais par moments qu'il fût insensé, sans véritable destination ou pire, avec une destination obscure, telle celle du Train Zéro de Iouri Bouïda. J'avais déjà aperçu quelques gares désertées au milieu de nulle part, où un vieil Ardabiev se lamentait peut être de tant d'isolement et du sens caché de ces allers sans retours de wagons blindés, Les secrets, c'est toujours contre les hommes.
Puis je pensais à Gyl, aux cerfs-volants qu'il devait brandir comme les banderoles autrefois et que j'imaginais ressembler à de grands oiseaux mélancoliques au-dessus du lac. Je pensais à ce temps lointain où nous faisions l'amour et où toute la vie était encore à venir, à toutes ces années depuis, impalpables, comme évaporées.
Je savais que le véritable voyage se fait au retour, quand il inonde les jours d'après au point de donner cette sensation prolongée d'égarement d'un temps à un autre, d'un espace à un autre. Les images se superposent, secrète alchimie, profondeur de champ où nos ombres semblent plus vraies que nous-mêmes. Là est la vérité du voyage. Le plus difficile, alors, est d'avoir à se lever sans nulle part où aller, mais j'ignorais qu'à mon retour cette épreuve me serait épargnée et que je me rendrais plusieurs jours de suite à un rendez-vous sur un quai de Seine.
© Michèle Lesbre
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