J'ai construit des trous d'air, de l'espace, des zones de non-droit, des frontières entre les parties qui composent mon intérieur. J'ai plusieurs chambres, toutes roses et rouges, luisantes et fraîches, maintenues à température stable et dans lesquelles il fait toujours noir. On passe d'une pièce à l'autre en glissant dans des vaisseaux rutilants aux parois transparentes et à travers lesquelles on peut apercevoir la vie, ailleurs, sorte d'extérieur mouvant. Les différentes pièces de mon corps sont séparées par des limites et des mots, les effets de la réalité emmagasinés dans des parties que je ne contrôle pas. J'ai des souvenirs amoureux dans le fond de l'oeil, des traces de violence qu'on a portées contre moi entre les omoplates, un baiser encore imprimé à l'intérieur de la cuisse, un son gravé derrière mon oreille et qui vibre sans prévenir dans mon lobe, comme une punaise. Mes ongles poussent pour toucher plus loin mais je les coupe à temps. Je connais la forme des reins et des poumons, des ailes d'ange, celle du coeur presque noir, les trompes comme des oreilles d'éléphant, le fémur, un os à ronger, le squelette du pied, une trace de patte d'oiseau sur le sable mouillé. Il s'en passe des choses. A la limite avec l'extérieur, au bord du contour formé par la chair, des trous laissent pénétrer l'air du dehors, le monde des autres, le monde tout court.
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