© Willy Ronis - 1952
Ce jour-là était un jour de plus. Je me l'étais offert en Parisien qui ne voyait pas souvent le Midi et qui voulait profiter encore un peu de la région. La veille, j'avais terminé mon travail de photo industrielles pour la raffinerie Total qui était installé sur l'étang de Berre. J'étais allé photographier ces lieux, de jour et de nuit. Je me souviens particulièrement de certaines lumières de nuit, qui devenaient alors très romantiques, avec tous ces bruits et ces chuintements venant des machines. C'était donc le matin de cette journée "cadeau", et je faisais tranquillement le tour de l'étang. Mais dans un coin, en tournant la tête, j'ai remarqué cette femme en méditation, devant l'eau qui clapotait et cette maison en parpaing. Elle paraissait si perdue que je me sentais presque gêné d'avoir envie de faire une photo. Mais elle était de profil, je crois qu'elle ne me voyait pas. Quelque chose en elle m'a rappelé soudain la Grèce, ou une espèce de Fatum qui était là, invisible, autour d'elle, et elle l'acceptait, échangeant peut-être avec cette présence quelques mots silencieux. J'étais très ému. Il y a parfois des moments qui sont si forts que j'ai peur de les tuer en faisant une photo. C'est alors que je doute, je me dis que je suis peut-être tout seul à m'inventer des histoires et je ne suis pas sûr de pouvoir communiquer toutes mes associations : il faut alors que je sois très prudent, que je garde une certaine distance. Quand l'image sera tirée sur le papier, est-ce que cette magie que j'ai ressentie sera encore vivante, palpable? Je sais que parfois il reste très peu de chose, alors je garde la photo pour moi, comme une mémoire intime qui ne regarde pas les autres.
© Willy Ronis - Ce jour-là
la mémoire est intime; fatalement ...
RépondreSupprimerThere is a certain beauty though it is filled with sadness.
RépondreSupprimerThank you for sharing
Egmont